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Deuxième partie | 24 septembre 2009 Suite de notre dossier sur la science et les cultures autochtones : suivez la fin de notre reportage sur le Grand Nord, découvrez la vision du physicien Étienne Klein à la rencontre de chefs indiens d’Amazonie, apprenez-en davantage sur la recherche participative... Abonnez-vous à Pluie de science pour suivre notre prochain dossier : le son et la science. |
Quand la médecine traditionnelle entre au laboratoire Galilée et les Indiens : Allons-nous liquider la science? |
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Aulne crispé (Alnus crispa) Mots-clés : plantes, Cris, diabète, pharmacologie
« Ma mère a toujours su comment soigner nos problèmes de santé en déterrant des racines et en utilisant les feuilles ou l’écorce des arbres qui poussent dans la forêt autour de nous, explique sa fille, Mary Bear. Mais ces connaissances se perdent et je ne suis pas certaine moi-même de pouvoir les enseigner à mes enfants. » C’est pour éviter que ces connaissances ancestrales disparaissent que le pharmacologiste Pierre Haddad et un groupe de chercheurs ont proposé aux Cris de rassembler leurs savoirs dans un grand projet de recherche. Le but de cette étude, financée par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), consiste à garder vivante la tradition orale autour des plantes médicinales transmise par les aînés de quatre villages cris du nord du Québec et à offrir à ces populations des traitements dont l’efficacité aura été démontrée en laboratoire. « Pendant trois ans, nous sommes allés voir les aînés guérisseurs et nous leur avons demandé d’identifier les plantes qui possèdent des qualités curatives. Nous avons dressé une liste de ces plantes afin d’expérimenter scientifiquement leur efficacité », explique-t-il.
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Sarracénie pourpre (Sarracenia purpurosa) Les Autochtones de l’est du Canada utiliseraient 400 espèces de plantes médicinales pour plus de 2000 usages. Parmi celles identifiées par les guérisseurs cris, huit occupent le haut de la liste : le thé du Labrador, l’aulne, le sapin baumier, l’épinette noire, la sarracénie pourpre, le mélèze, le pin gris et le sorbier. Ces plantes font actuellement l’objet d’expériences in vitro dans l’une ou l’autre des trois universités engagées dans le projet (McGill, Montréal et Ottawa). « Nous ne sommes pas là pour priver les Cris de leurs connaissances, précise le chercheur de l’Université de Montréal. Mais les bienfaits de ces plantes pourraient servir à une population étendue, si les recherches cliniques sont concluantes. » Il ne s’agit pas de biopiratage, cette pratique hautement contestable consistant à détourner les connaissances autochtones au profit d’entreprises pharmaceutiques qui les brevètent et les commercialisent. « Les Cris seront les premiers informés des résultats de nos recherches. Ils participeront aussi au développement des produits », souligne le professeur Haddad. Le groupe de recherche a obtenu un financement de un million de dollars par année jusqu’en 2011. Plusieurs articles ont été publiés jusqu’à maintenant. Et une percée pourrait être réalisée dès cet automne au sujet d’une molécule d’origine végétale. Le chercheur en pharmacologie ne veut rien dire pour l’instant, sinon qu’elle n’est pas issue de la liste des huit plantes les plus souvent citées par les guérisseurs. « Nous croyons avoir trouvé une plante qui a un potentiel antidiabétique très intéressant », résume-t-il. Une découverte notable pour les Autochtones qui ont d’importants problèmes liés au diabète de type 2. Sur le plan scientifique, l’évaluation clinique de l’innocuité et de l’efficacité potentielle des plantes suivra la procédure conventionnelle. Elle commencera par des études observationnelles de patients diabétiques qui utilisent déjà des remèdes traditionnels cris. Puis, des études contrôlées permettront d’évaluer l’innocuité et l’efficacité potentielle des préparations traditionnelles dans un cadre clinique plus contrôlé. Enfin, le projet permettra de déterminer la meilleure façon d’intégrer la médecine traditionnelle dans l’éducation et dans les soins offerts aux patients diabétiques de cette communauté.
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Thé du Labrador (Rhododendron groenlandicum) Pierre Haddad s’est intéressé tardivement aux plantes médicinales. Originaire d’Égypte, ce chercheur syrio-libanais est arrivé au Québec à l’âge de quatre ans. Au cours de ses études menées notamment à l’Université de Vienne et à Yale, il a travaillé sur le rôle des antioxydants et sur les mécanismes cellulaires et moléculaires des dommages causés aux cellules du foie. C’est durant un congrès de pharmacologie au Maroc, en 1998, qu’il est sensibilisé aux propriétés antidiabétiques des plantes. « Ça a changé ma vie. On l’oublie trop souvent, mais la plus grande partie de nos médicaments provient des plantes. On en synthétise les principes actifs pour les ajouter à des comprimés ou des solutions, mais, à la base, ce sont des plantes qui nous guérissent. Encore aujourd’hui, 80 % de la population se guérit directement avec des plantes. » Le directeur de l’Équipe IRSC sur les médecines antidiabétiques autochtones avoue que le dialogue entre la science et le savoir indigène a été long et complexe. Il a fallu s’armer de patience pour obtenir la confiance des conseils de bande. « Nous nous sommes personnellement engagés, jusqu’à ce qu’une entente officielle soit conclue, à nous adapter aux mœurs locales. Nous envisageons, par exemple, d’administrer les médicaments sous forme d’infusion, ce qui est plus proche des habitudes traditionnelles que de donner des pilules. » Joséphine Diamond, qui a fait partie du groupe consulté par les chercheurs, ne verra peut-être pas sa tisane d’écorce d’aulne faire son entrée dans les pharmacies. Mais ses enfants et petits-enfants sauront que ses connaissances lui auront survécu. Mathieu-Robert Sauvé, collaboration spéciale |
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Numéro 38 | Automne 2009 Sommaire Quand la médecine traditionnelle entre au laboratoire Galilée et les Indiens : Allons-nous liquider la science |
Promenades suggérées Expo-sciences autochtone Québec Reportage vidéo au sujet de l’Expo-sciences autochtone 2009 (en anglais) Consultez nos archives
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