Accueil

Musique et science :
des repères pour faire ses gammes

Quelques portes entrouvertes…
   •  Musique et neurosciences
   •  Musique et biologie
   •  Musique et physique
   •  Musique et ethnologie
   •  Musique et astronomie

La musique en bandes dessinées

Dossier documentaire


Pour recevoir gratuitement l’affiche
de Do ré mi fa sol... la science!

Pour nous joindre

 

 

 

Nicolas Copernic, par Jan Matejko (1872). Source: Wikipédia

Mots-clé : astronomie, musique, harmonie des sphères, cosmos

L’astronomie est l’une des plus anciennes sciences de l’humanité. Née des premières interrogations des hommes liées à la mythologie et à la religion, elle a fait partie, jusqu’à la fin du Moyen-Âge, des sept arts libéraux, représentant, avec l’arithmétique, la musique, la géométrie, la grammaire, la rhétorique et la dialectique, l’ensemble des disciplines intellectuelles fondamentales. Nombreux sont les exemples historiques qui démontrent que les astronomes ont été influencés, dans leurs travaux, par les principes qui régissent la musique, tandis que plusieurs compositeurs ont rendu hommage aux éléments célestes dans leurs créations.

 
Pythagore, peint par Raphaël. Détail de L’École d’Athène (1510-1511). Source: Wikipédia

L’harmonie des sphères

Pythagore a été le premier scientifique à associer étroitement la musique et l’astronomie six siècles avant notre ère. « Le philosophe et mathématicien s’est demandé quel était le principe qui expliquait à la fois les phénomènes de la nature et les espaces cosmiques, indique Dujka Smoje, professeure honoraire de la Faculté de musique de l’Université de Montréal. Sa réponse fut l’harmonie ou l’association ordonnée des contraires, soit le ciel et la terre, Dieu et les hommes, ce que Pythagore appelle le « cosmos ». De ces idées est né le concept de l’harmonie des sphères. »

Pythagore croyait que les planètes, incluant la Lune et le Soleil, tournaient autour de la Terre, le centre de l’univers à cette époque, en suivant des révolutions circulaires, régulières et constantes et qu’en tournant, elles produisaient des sons. Par analogie, il associait donc l’astronomie à la musique, les mouvements des cordes des instruments des Anciens pouvant être comparés aux mouvements des corps célestes. Se basant sur ces rapports, Pythagore a établi une gamme cosmique (la gamme pythagoricienne), qui compte sept intervalles et six tons, en s’inspirant du ciel. « La vitesse de rotation des planètes autour de la Terre correspondait à la vibration de la corde, alors que la longueur de la corde équivalait à l’orbite de chacune des planètes », précise madame Smoje. Ainsi, plus elles évoluaient rapidement comme Mercure et Vénus, plus le son qu’elles produisaient était considéré aigu et, inversement, plus elles tournaient lentement comme Jupiter, plus le son émis était grave. Dans la gamme pythagoricienne, le si était attribué à Saturne, le do à Jupiter, le ré à Mars, le mi au Soleil, le fa à Mercure, le sol à Vénus et le la à la Lune.

 

Le cosmos antique et médiéval dépeint dans la Cosmographia de Petrus Apianus
(Anvers, 1539). Source: Wikipédia

 

Plus tard, deux philosophes grecs, Platon et Aristote, eurent des différends à propos de l’harmonie des sphères, soutient Dominique Proust, astrophysicien à l’Observatoire de Meudon, à Paris, et auteur de « L’harmonie des sphères », au Seuil. Selon Aristote, la mécanique céleste n’obéissait pas à des lois harmoniques. « Aristote considérait que, s’il y avait une harmonie, on l’entendrait, indique monsieur Proust. Ce à quoi Platon répondait que les humains « n’entendaient » pas le mouvement des planètes parce qu’ils étaient constamment baignés par cette harmonie, comme les civilisations qui vivent aux sources du Nil et qui n’entendent plus le bruit des chutes. » C’est le modèle de Platon, donc l’héritage pythagoricien, qui perdurera.

Plusieurs siècles plus tard, l’astronome allemand Johannes Kepler confirmera l’hypothèse héliocentrique selon laquelle la Terre tourne autour du Soleil, hypothèse avancée la première fois par Copernic. « Kepler a également recherché l’harmonie des sphères dans l’harmonie musicale, à partir de la vitesse de chaque planète, mais il avait compris que celles-ci effectuaient des mouvements elliptiques et non pas circulaires autour du Soleil », indique Yves Gingras, professeur d’histoire des sciences à l’Université du Québec à Montréal. Kepler a attribué à chaque planète une mélodie de base calculée sur l’allongement de leur orbite. Les résultats de ses travaux sont consignés dans l’Harmonices Mundi, publié en 1619.

 
La mélodie des planètes selon Kepler, dans l’Harmonices Mundi.

La musique des astres

L’hymne du XIIe siècle Naturalis concordia vocum cum planetis, dont l’auteur est inconnu, représente l’œuvre musicale la plus ancienne connue inspirée de l’harmonie des sphères. Tout récemment, en février 2008, le compositeur britannique, Mike Oldfield, a fait paraître un disque intitulé Music of the Spheres. Entre ces deux époques, plusieurs musiciens se sont inspirés du ciel dans leurs créations, notamment Jean-Baptiste Lully avec son Ballet des Planètes écrit en 1676, Joseph Haydn et son opéra Il mondo dell aluna écrit en 1777, Gustav Holst et Les Planètes en 1917 et Karlheinz Stockhausen qui, dans la deuxième moitié du XXe siècle, a cherché le chemin des astres dans son Sirius.

Même le Québec peut s’enorgueillir de compter parmi les créations originales de ses artistes une œuvre directement inspirée par le cosmos. En effet, en 1988, le compositeur François Morel créait Aux couleurs du ciel pour l’Orchestre symphonique de Montréal. L’œuvre est directement inspirée des illustrations du livre Poussières d’étoiles de l’astrophysicien Hubert Reeves.

 
 
La Musique des sphères de Mike Oldfield, a été présentée en première au Musée Guggenheim de Bilbao, le 7 mars 2008, par l’Orchestre Symphonique d’Euskadi et la Chorale de Bilbao.

 

Encore aujourd’hui, les humains utilisent la musique pour défier le temps et éventuellement entrer en contact avec le ciel ou quelque hypothétique civilisation extraterrestre. Pourquoi? « Parce que les humains sont fascinés par l’ordre dans la voûte céleste, affirme Dominique Proust. Et aussi parce qu’ils ont eu la preuve de la véracité des parallèles entre les lois physiques et les lois acoustiques pour expliquer l’harmonie du monde, dont les Anciens avaient l’intuition », ajoute-t-il. Les sondes spatiales Voyager, lancées en 1977, transportent un vidéodisque contenant 27 extraits musicaux variés représentatifs de la production musicale terrestre. Qui sait, lorsque Voyager II arrivera dans le voisinage de l’étoile AC+79.3888 dans environ 40 000 ans, comment seront appréciés Bach, Mozart et… Chuck Berry?


Isabelle Pauzé
Collaboration spéciale