L’astronomie
est l’une des plus anciennes sciences de l’humanité.
Née des premières interrogations des hommes liées
à la mythologie et à la religion, elle a fait partie,
jusqu’à la fin du Moyen-Âge, des sept arts libéraux
représentant, avec l’arithmétique, la musique,
la géométrie, la grammaire, la rhétorique et
la dialectique, l’ensemble des disciplines intellectuelles
fondamentales. Nombreux sont les exemples historiques qui démontrent
que les astronomes ont été influencés, dans
leurs travaux, par les principes qui régissent la musique,
tandis que plusieurs compositeurs ont rendu hommage aux éléments
célestes dans leurs créations.
•
L’harmonie des sphères :
quand les astronomes se font musiciens
Quoi : Pythagore
a été le premier scientifique à associer étroitement
la musique et l’astronomie, six siècles avant notre
ère. Il cherchait le principe qui expliquait à la
fois les phénomènes de la nature et les espaces cosmiques.
Sa réponse fut l’harmonie ou l’association ordonnée
des contraires, soit le ciel et la terre, Dieu et les hommes, ce
qu’il appela le « cosmos ». C’est
autour de cette idée qu’est né le concept d’harmonie
des sphères.
Science
: astronomie
Gamme pythagoricienne
Pythagore considérait que les planètes tournaient
autour de la Terre, le centre de l’univers à cette
époque, en suivant des révolutions circulaires, régulières
et constantes et qu’en tournant, elles produisaient des sons.
Par analogie, il associait donc l’astronomie à la musique,
les mouvements des cordes des instruments des Anciens pouvant se
comparer aux mouvements des corps célestes.
« Imaginons une
corde de 1 m, une seconde de 50 cm, une troisième
de 66 cm et une quatrième de 75 cm, au bout desquelles
on aurait attaché une sphère. Imaginons ensuite
qu’on fasse tourner ces quatre cordes simultanément
et que le vent ou une autre force invisible pince tantôt
l’une, tantôt l’autre. Il en résulterait
une musique analogue à celle qu’on peut tirer d’une
corde tendue sur une caisse de résonance. C’est sans
doute ainsi que Pythagore a été amené à
faire l’hypothèse de l’harmonie des sphères.
»
À partir de cette idée, Pythagore établit
une gamme cosmique appelée la gamme pythagoricienne, qui
compte sept intervalles et six tons, et l’a appliquée
au ciel. Selon ce modèle, la vitesse de rotation des planètes
autour de la Terre correspond à la vibration de la corde
d’un instrument, alors que la longueur de la corde correspond
à l’orbite de chacune des planètes.
Selon Pythagore, plus les planètes évoluaient
rapidement (comme Mercure et Vénus), plus le son qu’elles
produisaient était considéré aigu et, inversement,
plus elles tournaient lentement (comme Jupiter), plus le son qu’elles
émettaient était grave. Dans la gamme pythagoricienne,
le si est attribué à Saturne, le do à Jupiter,
le ré à Mars, le mi au Soleil, le fa à Mercure,
le sol à Vénus et le la à la Lune.
Illustration tirée
de The History of Philosophy, de Thomas Stanley, XVIIe siècle.
Le cosmos selon
Pythagore, vu par Jacques Dufresne, philosophe
« Nous pensons
aujourd’hui que le monde est non pas un ordre, mais un ensemble
informe de forces auquel il nous appartient de donner une forme,
opération que nous appelons transformer le monde. Les Pythagoriciens
pensaient que c’est l’Homme qui est un ensemble informe
de forces et que par suite, avant de songer à transformer
le monde, il doit s’imprégner de sa forme en le contemplant.
»
L’Harmonices
Mundi
Plusieurs siècles plus tard, l’astronome allemand Johannes
Kepler confirma l’hypothèse héliocentrique selon
laquelle la Terre tourne autour du Soleil. Il a cherché à
son tour l’harmonie des sphères dans l’harmonie
musicale, à partir de la vitesse de chaque planète.
Ayant compris que les planètes effectuaient des mouvements
elliptiques et non pas circulaires autour du Soleil, il associa
à chaque planète une mélodie de base calculée
sur l’allongement de son orbite. Le principe de sa « gamme
cosmique » est consigné dans l’Harmonices
Mundi, publié en 1619.
Quoi :Naturalis
concordia vocum cum planetis, un hymne du XIIe siècle,
représente l’œuvre musicale la plus ancienne connue
inspirée des planètes et des astres. Plus récemment,
en février 2008, le compositeur britannique Mike Oldfield
a fait paraître le disque Music of the Spheres (extrait
1) (extrait
2). Entre ces deux époques, nombreux sont les musiciens
de toutes les influences qui se sont inspirés des astres
et du ciel dans leurs créations, notamment Jean-Baptiste
Lully avec son Ballet des Planètes écrit
en 1676, Jean Féry Rebel et Les Élémens–Du
Chaos à l’harmonie composé en 1737 (extrait)
ou encore Karlheinz Stockhausen qui, dans la deuxième moitié
du XXe siècle, chercha le chemin des astres dans son Sirius.
Science : astronomie
Cosmologie et musique
William Herschel, l’un des astronomes les plus importants du
XVIIIe siècle qui découvrit, en 1781, la planète
Uranus, a considérablement influencé son contemporain,
le compositeur Joseph Haydn lors de l’écriture de l’extrait
Es ward Licht (Ce fut la lumière) de l’oratorio
La Création (extrait).
Cette œuvre musicale fait référence aux travaux
de Herschel, qui émit l’hypothèse d’une
explosion originelle de l’univers en se basant sur les théories
d’Emmanuel Kant. Haydn, toujours fasciné par le firmament
composa en 1777 Il mondo della luna (extrait
illustré ci-dessus), un opéra en trois actes d’après
un livret de Carlo Goldoni.
Les Planètes
L’une des œuvres les plus connues célébrant
le mariage entre la musique et l’astronomie est très
certainement Les Planètes, une suite orchestrale en
sept mouvements écrite par Gustav Holst. Dans cette œuvre,
le compositeur étudie sept planètes (Mars, Vénus,
Mercure, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune). Le premier mouvement,
Mars (dieu de la guerre) (extrait),
a été composé de façon prophétique
juste avant le début de la Première Guerre mondiale,
en 1914. Le dernier mouvement, Mercure (extrait),
fut composé en 1916.
Aux
couleurs du ciel
Même le Québec peut s’enorgueillir de compter
parmi les créations originales de ses artistes, une œuvre
directement inspirée par le cosmos. En effet, en 1988, le
compositeur François Morel créait Aux couleurs
du ciel pour l’Orchestre symphonique de Montréal.
L’œuvre est inspirée des illustrations du livre
Poussières d’étoiles de l’astrophysicien
Hubert Reeves. Le titre de chacun des mouvements fait référence
à une galaxie : la Nébuleuse de la Lyre, la Dentelle
du Cygne, la Nébuleuse du Crabe, la Nébuleuse du Trèfle
et la Nébuleuse de l’Hélice.
• Capter
les sons de l’espace
Quoi : Y a-t-il
du « bruit » dans l’espace? De nombreux phénomènes
qui y surviennent seraient tout à fait cacophoniques dans
un contexte terrestre. Mais il n’y a pas d’air dans
l’espace. Et s’il n’y a pas d’air, il n’y
a pas de bruit. Les ondes acoustiques ne se propagent pas dans le
quasi-vide interplanétaire. Il est cependant possible d’enregistrer
les ondes électromagnétiques émises par différents
corps célestes et de les convertir pour entendre les sons
qu’ils émettent.
Les
radiotélescopes :
pour entendre les sons du ciel
La plupart des éléments du ciel émettent des
ondes électromagnétiques dans le domaine des ondes
radio. Il est ainsi possible pour les experts d’entendre les
pulsars, les orages magnétiques sur Jupiter, les météores
qui brûlent dans l’atmosphère, les pluies d’étoiles
filantes comme les Perséides et même le résidu
du « Big Bang », appelé rayonnement
de fond cosmologique. Les ondes électromagnétiques
n’ont pas besoin d’un support matériel pour se
propager. Elles voyagent dans le vide. Celles-ci couvrent un large
spectre, de l’infrarouge aux ondes radio, en passant par les
rayons X, la lumière visible et les ultra-violets.
Avec le récepteur approprié, appelé
radiotélescope, un type de radar perfectionné, il
est possible de détecter puis de capter les ondes électromagnétiques
émises par les astres. Le radiotélescope convertit
en sons les ondes qu’il reçoit de la même façon
que le récepteur radio d’une voiture capte les ondes
d’une station radiophonique, avant de les convertir en ondes
sonores audibles.
Un reportage vidéo sur la construction
du radiotélescope de Nançay (France) : www.canal-u.education.fr
Le pulsar
du Crabe. Cette image est la combinaison de données optiques
de Hubble (en rouge) et de rayons X de Chandra (en bleu). Source :
Wikipédia
Les pulsars, de
puissantes toupies célestes
Les pulsars ont été découverts au cours de
l’été 1967 par Antony Hewish, du Mullar Astronomy
Observatory de l’Université de Cambridge, en Grande-Bretagne,
et par Jocelyn Bell Burnell, alors étudiante au doctorat.
Les pulsars sont des étoiles à neutrons qui tournent
très rapidement sur elles-mêmes, de quelques fois par
minute à plusieurs fois par seconde, selon leur type. Leur
immense densité est semblable à celle du noyau atomique.
Leur masse, supérieure à celle du Soleil, est concentrée
dans une sphère d’un diamètre d’environ
15 à 20 kilomètres.
Un pulsar qui tourne 440 fois par seconde sur lui-même
émet la note la du diapason moderne. Les astronomes ont identifié
une douzaine de pulsars dont la fréquence de rotation est
assez rapide pour correspondre à une note de musique. Le
son des pulsars moins rapides ressemble aux percussions africaines.
www.youtube.com/watch?v=9ioriGSOaLg
Les pulsars sont issus de l’explosion d’une
étoile géante en fin de vie, un phénomène
appelé supernova. Lors d’un tel événement,
le cœur de l’étoile se contracte sous l’effet
de sa propre gravité. En s’effondrant sur elle-même,
l’étoile en rotation gagne en vitesse. Cette vitesse
crée alors de puissants champs électromagnétiques,
l’équivalent de 100 millions de fois celui de
la Terre.
La sismologie
stellaire Grâce au télescope spatial français
CoRoT (Convection, Rotation et Transits planétaires), lancé
en décembre 2006, l’équipe du scientifique Éric
Michel, de l’Observatoire de Paris, est parvenue à
enregistrer le « son » de trois étoiles.
La technique, appelée « sismologie stellaire »,
est de plus en plus utilisée par les astronomes. Les sons
perçus fournissent des informations sur la structure interne
des étoiles.
En écoutant les sons captés par l’équipe
du professeur Michel, on peut percevoir la répétition
d’un modèle. Les sons émis par les étoiles
sont légèrement différents les uns des autres
selon l’âge, la taille et la composition de chacune
d’elles.
Le grand miroir secondaire
sphérique du radiotélescope de Nançay. Source
: AstroNature16
•
Le Noir de l’étoile
Quoi : Le
Noir de l’étoile (1989 – 1990) de Gérard
Grisey est une œuvre musicale unique qui décrit la rencontre,
à une heure précise et en temps réel, entre
une étoile mourante qui émet ses derniers signaux,
un gigantesque radiotélescope qui l’écoute et
six musiciens qu’elle guide. Une partition à deux mains
pour un compositeur visionnaire et un astrophysicien poète.
Un excellent prétexte pour aborder la physique sur une note
originale…
Science :
physique, astronomie
L’astrophysicien Jean-Pierre Luminet, qui a
collaboré à sa création, signe, sur la couverture
de l’album, le texte suivant :
[…]
Les étoiles plus massives que le Soleil connaissent
une fin plus spectaculaire. Elles explosent dans une cataclysmique
explosion de supernovae ; leur enveloppe est soufflée dans
l’espace à des vitesses de plusieurs milliers de
kilomètres par seconde, tandis que leur cœur s’effondre
sur lui-même pour former des résidus fantastiquement
concentrés, tournant sur eux-mêmes à une vitesse
folle : des étoiles à neutrons, qui se révèlent
aux astronomes sous forme de pulsars en émettant de brèves
impulsions périodiques dans le domaine radio. Parfois,
les étoiles effondrées peuvent engendrer des trous
noirs, dont même la lumière ne peut plus sortir.
Les
pulsations électromagnétiques d’un pulsar
reçues par un radiotélescope tel celui de Nançay
peuvent être transformées en signaux sonores ; il
s’agit là d’une opération de décodage
simple, exempte de manipulations studio. L’auditeur perçoit
alors le rythme brut d’un pulsar qui a mis plusieurs milliers
d’années pour parvenir sur Terre. L’expression
« son des pulsars » est bien entendu métaphorique.
Les ondes acoustiques ne se propagent pas dans le quasi-vide interstellaire.
En revanche, les ondes électromagnétiques –
lumière visible ou invisible à nos yeux –
nous parviennent des astres les plus lointains et jouent le rôle
du son. Le chant du ciel est un chant de lumière. Les astronomes
ont des oreilles géantes pour écouter le ciel et
enregistrer son cri. Ils ont construit des télescopes pour
capturer la lumière visible ; puis ils ont inventé
des radiotélescopes, ils ont lancé en orbite au-dessus
de l’atmosphère des détecteurs de rayonnement
X, gamma et infrarouge.
[…] La musique
de Grisey est bien à l’image des astres : tour
à tour rythmique, violente, lancinante, incessamment recommencée.
Parfait reflet de l’astronomie moderne, qui a dévoilé
la fureur cosmique et renvoyé la fragile harmonie des sphères
de Pythagore et Kepler dans la cohorte des illusions d’une
humanité innocente et ignorante.
Le compositeur Gérard Grisey lui répond
en ces mots :
Lorsqu’en 1985,
je rencontrai à Berkeley l’astronome et cosmologiste
Joe Silk, il me fit découvrir les sons des pulsars. Je
fus séduis par ceux du pulsar de Vela et immédiatement,
je me demandai à la manière de Picasso ramassant
une vieille selle de bicyclette : « Que pourrais-je
bien en faire? ».
La réponse vint
lentement : les intégrer dans une œuvre musicale
sans les manipuler, les laisser exister simplement comme des points
de repères au sein d’une musique qui en serait en
quelque sorte l’écrin ou la scène, enfin utiliser
leurs fréquences comme tempo et développer les idées
de rotation, de périodicité, de ralentissement,
d’accélération et de « glitches »
que l’étude des pulsars suggère aux astronomes.
La percussion s’imposait parce que, comme les pulsars, elle
est primordiale et implacable, et, comme eux, cerne et mesure
le temps, non sans austérité. Enfin, je décidai
de réduire l’instrumentarium aux peaux et métaux
à l’exclusion des claviers.
Le Noir de l’étoile
était né ou presque…
Lien supplémentaire :
Une rencontre avec l’astrophysicien
Jean-Pierre Luminet, un scientifique artiste www.spst.org/pluiedescience/1205
Quoi :Max
Q est un groupe rock fondé en 1987, par Robert L. Gibson,
George Nelson et Brewster Shaw. Jusque là, rien de très
spécial. Or, tous les membres de Max Q sont des
astronautes de la NASA!
Science : astronomie,
physique
L’astronaute Chris Hadfield
avec sa guitare spatiale, construite et modifiée par Wright
Guitar Technology. Il s’envola avec elle, en 1995, à
bord de la navette spatiale Atlantis (mission STS-74). Source : Agence
spatiale canadienne
En ingénierie aérospatiale,
l’expression Max Q désigne « le
point de pression dynamique maximale », c’est-à-dire
le niveau le plus élevé de force aérodynamique
qui s’exerce sur une navette lors de son ascension dans l’atmosphère.
En d’autres mots, il s’agit du moment où la vitesse
de la navette est réduite, juste avant de franchir le mur
du son, soit environ 30 secondes après le décollage.
Aujourd’hui, Max Q se produit régulièrement,
lors d’occasions spéciales réunissant les membres
du personnel de la NASA et participe à de nombreux événements
à l’extérieur de Houston. Le répertoire
du groupe compte près de 100 chansons, des Beatles aux
Beach Boys, en passant par Bryan Adams.
Plus d’une vingtaine d’astronautes ont participé
à l’aventure Max Q au fil des ans et certains
d’entre eux ont même exercé leur talent…
dans l’espace! C’est le cas de l’astronaute canadien
Chris Hadfield, chanteur principal et doyen de Max Q, qui
a apporté une guitare électrique dans ses bagages,
en 1995, lorsqu’il s’est envolé à bord
de la navette Atlantis, lors de la mission STS-74.
Parmi les autres membres du groupe, mentionnons les
guitaristes Dan Burbank, Drew Feustel et Stevie Ray Robinson, les
claviéristes Ken Cockrell et Greg Johnson et le batteur Chris
Ferguson. La Québécoise Julie Payette a aussi chanté
avec Max Q à quelques occasions.
L’astronaute Edward Tsang Lu interprète
un extrait de piano à la Station spatiale internationale
: http://science.nasa.gov(Document QuickTime)
• D’autres
ressources en culture scientifique
Des
étoiles plein les yeux Un dossier thématique
complet sur l’astronomie, comprenant une multitude d’outils
de culture scientifique, des suggestions de lecture et de sites
Internet.
La
physique, c’est fantastique Un dossier thématique
complet sur la physique, comprenant un cocktail d’outils de
culture scientifique, des suggestions de lecture et de sites Internet.
Pour d’autres suggestions d’activités,
consultez
Kaléidoscope!