Le spectacle commence par la musique. Puis les feux
explosent en cadence. Tandis que les petits et les grands s’écrient :
« Wow! Encore! », un homme dans l’ombre
compte les temps. Pierre Walder repasse dans sa tête l’enchaînement
de la symphonie des feux qu’il a composée si longuement
et si patiemment. Le concepteur pyromélodique originaire
de la Suisse tend particulièrement l’oreille à
l’importante synchronisation entre musique et feux, placée
sous la gouverne des ordinateurs. « C’est la
musique qui mène le spectacle et les feux d’artifice
s’y plient », soutient Pierre Walder.
Ballet minuté de figures de lumière
étincelantes, ce spectacle naît d’un art, ou
d’une science, la pyrotechnie. Mais on n’enseigne pas
le métier de concepteur pyromélodique, on le pratique
un spectacle à la fois.
Montréal,12 juillet
2008. Le Portugal présente «Et le gagnant est...»
un spectacle pyromélodique dédié au septième
art.
L’acousticien
céleste
À la fois mélomane averti et ingénieur
de formation, Pierre Walder est professeur d’acoustique musicale
au Conservatoire supérieur de musique de Genève. Doté
d’une solide expérience professionnelle auprès
de la Deutsche Grammophon, de la BBC et de Radio Genève,
il œuvre comme conseiller auprès de la Communauté
de diffusion de la musique suisse sur disques. L’infatigable
acousticien travaille également comme consultant pour plusieurs
salles de concert.
Comment trouve-t-il le temps de plonger dans l’art
pyromélodique depuis 30 ans? « Ce n’est
pas du travail de faire rêver les gens. C’est un pur
plaisir », affirme Pierre Walder qui ne monte cependant
qu’un spectacle ou deux par année. C’est à
la demande de la Radio suisse romande qu’il s’est lancé
dans cette étrange aventure musicale en 1978. Le lac de Genève
a été sa première scène de spectacle.
Lorsque les grandes portes de feu se sont élevées
sur les jetées de la rade de Genève, le public s’est
cru transporté dans Les Mille et Une Nuits de Shéhérazade.
Où se trouvait le feu? Et l’eau? « Il
faut savoir tirer avantage du site. On ne conçoit pas le
même spectacle à Genève qu’à Montréal.
Avec l’expérience, on ajuste le tableau au lieu »,
précise Pierre Walder.
Photo: Bob Burch, L’International
des Feux Loto-Québec présenté par TELUS
La musique du feu
À Montréal, la grande roue et les
manèges de la Ronde ont pris part au spectacle Le Carnaval
des animaux. « Tout part du thème. J’imagine
un fil rouge sur lequel je construis la musique du spectacle »,
explique Pierre Walder.
Musique baroque, classique, populaire et jazz, le
concepteur pyromélodique puise dans tous les styles de musique
pour bâtir sa trame sonore. « J’ai même
mis un Ave Maria, en hommage à mon ami Giovanni Panzera,
l’année de sa disparition », dit-il.
Ce maître italien de la pyrotechnie, qui a donné aux
feux de Montréal ses lettres de noblesse, a initié
Pierre Walder à cet art.
Pour construire une première trame musicale
de trois à quatre heures, il lui faudra écouter de
200 à 300 pièces. Un montage de 60 minutes sera
présenté aux artificiers pour construire un canevas
sonore de près de 40 titres; soit 30 minutes de
spectacle. Sur le papier, la musique démarre doucement, les
premières chandelles s’élèvent du sol
et prennent de l’amplitude. Un rythme plus cadencé
provoque le lancer d’étoiles et de gerbes jusqu’à
l’accord final composé de bombes pour un bouquet final
étincelant et sonore. « C’est comme
un repas, on a d’abord les hors-d’œuvre, puis les
différents mets jusqu’au dessert inoubliable »,
décrit Pierre Walder.
Spectacle présenté
par Apogée, une entreprise montréalaise qui a remporté
le Bouquet d’Or 2006 lors des Nuits de Feu au domaine de Chantilly,
en France.
Trente minutes de
magie
Explosions, crépitements, sifflements, comment
entendre la musique lors d’un spectacle si assourdissant?
L’équipe va sélectionner les explosifs les moins
bruyants et réaliser un important travail de sonorisation.
« On intègre les craquements et des respirations.
La musique est généralement très rythmée
et supporte bien les feux », explique Pierre Walder.
Lorsqu’on prend le ciel pour écran,
il faut savoir composer avec certaines surprises comme l’humidité,
la mauvaise température et les anomalies. Pour la grande
finale de l’International des Feux montréalais Loto-Québec
2008, les percussions étaient à l’honneur avec
le spectacle Sans tambour, ni trompettes, mais les cieux
n’ont guère été favorables. « C'est
un de mes plus mauvais spectacles. Il y avait pourtant de nouvelles
couleurs et une excellente synchronisation des 24 tableaux
musicaux », soupire l’artiste. Peu importe
ce qui se passe, la symphonie des feux appartient à l’instant,
sans répétition ni reprise.
Ce spectacle éphémère laisse
pourtant une profonde empreinte chez ceux qui le regardent ou le
font. Pierre Walder a ainsi monté un spectacle sur le très
connu Boléro de Ravel. Une expérience qu’il
a partagée avec le célèbre artificier italien
Giovanni Panzera, son ancien complice. « Ce fut notre
plus grand succès et le moins facile à réaliser.
Imaginez 17 fois le même roulement de tambour et une
musique lancinante se déployant autour de thèmes identiques.
Il a fallu rendre le même effet visuellement avec des chandelles
qui changent de forme et de couleur pour suivre le timbre, jusqu’à
la finale grandiose », raconte le pyromélodiste.
Ce ballet de lumière a ainsi tenu en haleine des milliers
de spectateurs. Et certains lui en reparlent encore...