Mots-clés
: chorale, chœurs de plaintes, citoyens, musique
En culture scientifique comme dans tous les domaines,
donner son avis, c’est bien. Le chanter, c’est encore
mieux. Imaginons un instant : des groupes de citoyens inquiets
– ou simplement curieux – au sujet des nanotechnologies,
des OGM, de la recherche sur les embryons, ou encore de la place
des cours de sciences dans le programme scolaire de leur petit dernier,
réunis en ensemble choral pour chanter de tout cœur
leurs craintes ou leurs récriminations. Une scène
digne d’une comédie musicale? Ou la dernière
mode en matière d’expression publique?
Le chœur de plaintes d’Helsinki
Depuis quelques années,
un nouveau phénomène est apparu sur le globe : les
chœurs de plaintes. L’idée est simple : une
chorale destinée à donner vie aux récriminations
collectives, le tout, en mélodie. Le projet a été
lancé par deux artistes finlandais, Tellervo Kalleinen &
Oliver Kochta-Kalleinen, inspirés par une expression locale
– Valituskuoro – désignant un groupe
de personnes qui se plaignent simultanément et forment un
chœur de plaintes. Ils ont créé une première
chorale à Birmingham, en Grande-Bretagne, à l’été
2005, puis ont répété l’expérience
à Helsinki, Saint-Petersbourg et Hambourg. Mais l’idée
a aussi fait des émules par elle-même. En trois ans,
des chœurs de plaintes sont apparus un peu partout sur la planète,
de Jérusalem à Melbourne, en passant par Budapest
et Juneau en Alaska.
Il fait trop chaud ou trop froid, la vie coûte
trop cher, le chauffeur d’autobus ne vous sourit jamais; autant
de raisons de se plaindre... et de chanter!
Le chœur de plaintes de Chicago
L’expérience
canadienne
Le Canada n’échappe pas à ce
mouvement. L’équipe de l’émission de radio
As it happens de la première chaîne de la
CBC a créé son chœur de plaintes l’an dernier.
« Quand nous avons entendu parler de cette idée,
on s’est dit qu’il fallait essayer nous aussi »,
dit l’animatrice de l’émission, Barbara Budd.
« Nous avons choisi de le faire en février,
car au Canada, c’est un mois parfait pour se plaindre! »,
ajoute-t-elle.
Les
premiers chœurs de plaintes recrutaient leurs participants par
le biais des petites annonces. On ne leur demandait qu’une chose :
avoir envie de râler! Puis un musicien aidait les amateurs à
transformer leurs plaintes en chanson. L’équipe de As
it happens a décidé de fonctionner autrement et
a invité ses auditeurs à participer au projet. « On
leur a demandé de nous résumer en une phrase, sur notre
répondeur, ce qui les embêtait », explique
Barbara Budd. Des centaines d’auditeurs ont répondu à
l’appel. « Certains ne nous ont dit qu’un
mot, par exemple « gadoue », la plupart des
commentaires étaient liés au climat, à la conduite
automobile ou à la condition humaine », précise
Mme Budd. Un musicien professionnel s’est occupé du texte
et de la musique et une vraie chorale a donné le concert diffusé
sur les ondes de la CBC.
Le chœur de plaintes de As it
happens
L’événement
a été un succès. « Les auditeurs
étaient enchantés. Il faut dire que les Canadiens
sont habituellement tellement polis que si on leur donne la possibilité
de se plaindre, ils sautent sur l’occasion »,
lance Mme Budd. Et qu’en est-il des Québécois?
Sont-ils prompts à se plaindre? Pour l’instant le phénomène
des chœurs de plaintes n’est pas encore très connu
dans la belle province. Mais parions qu’avec les vidéos
des prestations mises en ligne sur Internet et le mot qui se répand
dans le milieu du chant choral, cela ne saurait tarder. Quoi de
mieux que la musique pour exprimer ses frustrations et ses souffrances…
Après tout : « La vie c’est moins
désespérant en chantant! »