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Musique et science :
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Wolfgang Amadeus Mozart [1756-1791] Source : Wikipédia

Mots-clés : Mozart, musique, enfants, intelligence, musicothérapie

Plus de 250 ans après sa mort, Wolfgang Amadeus Mozart fait encore parler de lui. Et pas seulement par les musiciens et les mélomanes! À la suite de la publication des résultats d’une étude controversée, au début des années 1990, des chercheurs ont prétendu que l’écoute des œuvres du compositeur autrichien pouvait augmenter le quotient intellectuel des auditeurs!

Ce phénomène, baptisé « effet Mozart » a eu de nombreuses retombées tant auprès de la communauté scientifique mondiale que du public de nombreux pays. Ainsi, un peu partout sur la planète, quantité de bébés à naître, à qui leurs parents voulaient du bien, ont été bercés par les sonates et concertos du grand maître. Écouter Amadeus rend-il davantage brillant? Les enfants qui apprennent à manier l’archet ou à faire résonner les touches de piano à un jeune âge réussissent-ils mieux à l’école que les autres? Petite incursion scientifique pour distinguer la vérité de l’effet… marketing!

 
Alfred Tomatis et son oreille électronique. Source : Wikipédia

Aux origines de l’effet Mozart

Le concept d’effet Mozart est apparu pour la première fois au milieu du siècle dernier, à la lumière des travaux du Dr Alfred Tomatis, oto-rhino-laryngologiste, chirurgien, psychologue et inventeur. Ce dernier, surnommé « docteur Mozart », prétendait que les hautes fréquences étaient bénéfiques pour le corps humain, et les basses fréquences néfastes. Il a également remarqué que les premières foisonnaient dans les œuvres de Mozart. Il a ensuite décrit son expérience dans le livre Pourquoi Mozart? publié aux Éditions Fixot, en 1991.

Le grand public a découvert l’effet Mozart, en 1993, grâce à une étude menée par Frances H. Rausher, Gordon L. Shaw et leurs collègues de l’Université de Californie, à Irvine. Ceux-ci ont soumis 36 étudiants au baccalauréat en psychologie à trois conditions expérimentales d’une durée de dix minutes chacune. Un premier groupe devait écouter l’Allegro con spirito de la Sonate pour 2 pianos en ré majeur de Mozart, un deuxième écoutait une cassette audio avec des consignes de relaxation et un troisième gardait le silence dans une pièce où il n’y avait aucun bruit.

Au cours des 15 minutes suivant cette période, les chercheurs ont soumis les trois groupes à des tests de raisonnement spatial, abstrait et visuel issus du célèbre test d’intelligence de Stanford-Binet. Les résultats ont été convertis en QI. Le groupe « Mozart » a obtenu un QI supérieur à celui des groupes « relaxation » et « silence ».

 

 
Sonate pour deux pianos en ré majeur, KV 448 – Allegro con spirito
 

L’effet n’a duré que 10 ou 15 minutes; pourtant, l’équipe de madame Rauscher avait tout de même établi une corrélation entre l’écoute de la musique et les aptitudes au raisonnement spatial. Par la suite, ces résultats, qui n’avaient pourtant pas fait l’objet d’une analyse rigoureuse et qui consistaient essentiellement en des observations comportementales, ont été publiés dans la prestigieuse revue Nature et ont secoué, ce faisant, la communauté scientifique. En 1999, des équipes de trois universités, dont l’Université de Montréal, ont reproduit à la lettre, chacune de leur côté, l’expérience de 1993. Personne n’a réussi à démontrer le fameux effet Mozart.

Par contre, les résultats ont été largement diffusés par les médias. Et de ces remarques, qui n’étaient que parcellaires, nombreux sont ceux qui ont conclu : l’écoute de la musique de Mozart rend plus intelligent! Il n’en fallait pas plus pour que l’étude trouve écho auprès de certaines instances gouvernementales. Ainsi, en 1998, la Géorgie est devenue le premier État américain à distribuer des disques de musique classique aux jeunes mères; la Floride a, quant à elle, exigé que les milieux de garde subventionnés et de nombreuses écoles publiques diffusent quotidiennement la musique de Mozart. Ceci sans compter l’apparition soudaine, sur les rayons des boutiques, d’une kyrielle de jouets pédagogiques, collections de disques et livres populaires (dont le plus célèbre est The Mozart Effect, de Don Campbell), qui exploitaient allègrement l’argument marketing des vertus de la musique classique, censée ouvrir l’esprit et favoriser le développement des jeunes enfants.

 

Requiem pour l’effet Mozart…

« Les bébés sont effectivement très réceptifs aux mélodies, précise Guylaine Vaillancourt, musicothérapeute et auteure de Musique, musicothérapie et développement de l’enfant. Les premiers sons que le fœtus perçoit, sous forme de vibrations, sont les battements cardiaques de sa mère. Puis, autour du 5e mois de vie intra-utérine, le fœtus entend. Un mois avant sa naissance, il est prêt à réagir aux sons qui se transmettent par le liquide amniotique, dont les chants que sa mère fredonne pour lui. »

Pourtant, rien ne sert de se précipiter pour acquérir subito presto l’intégrale de l’œuvre d’Amadeus ou de tout autre compositeur. Isabelle Peretz, professeure de neuropsychologie cognitive à l’Université de Montréal, qui faisait partie des experts qui ont tenté de valider, en 1999, les résultats d’Irvine, met le public en garde contre l’effet Mozart : « Il n’y a aucune raison de penser que les raisonnements spatio-temporels soient facilités par la musique de Mozart plus que par toute autre musique d’ailleurs, affirme la chercheure. Selon nos travaux, une simple chanson populaire peut engendrer un effet, parce que toute stimulation est meilleure que le silence. »

 

Concert d’éloges pour les cours de musique

Les experts interrogés, sans attribuer à la musique seule une influence sur les capacités cognitives, reconnaissent d’emblée que l’apprentissage de celle-ci est bénéfique pour les jeunes enfants.

« Apprendre à jouer d’un instrument de musique, participer à des ateliers d’éveil musical ou recevoir des cours de musique à l’école sont autant d’activités bénéfiques, confirme la musicothérapeute Guylaine Vaillancourt. En plus d’aider à la coordination des mouvements sur le plan psychomoteur, la musique aide à développer la mémoire et la concentration. » Même son de cloche du côté du Dr Élisabeth Fresnel, médecin phoniatre et directrice du Laboratoire de la Voix Espace de Paris : « L’enfant apprenti musicien doit s’exercer avec discipline. La musique lui apprend la valeur de l’effort tout en améliorant ses aptitudes de travail en équipe. De plus, elle stimule son imagination », ajoute-t-elle.

À son époque, Platon considérait déjà que la musique aiguisait l’esprit : « La musique est un instrument plus puissant que tout autre pour l’enseignement et les enfants devraient apprendre la musique avant toute chose », affirmait le célèbre philosophe grec.

 
 

Le Royal Conservatory of Music de Toronto, le plus ancien éducateur indépendant dans le domaine des arts au Canada, a d’une certaine façon fait siennes les paroles de Platon en mettant sur pied, en 1995, le programme Learning Through the Arts. On y enseigne l’histoire, les mathématiques et les sciences humaines à l’aide de la chanson, de la danse et des arts visuels. Les statistiques de 2005 indiquent que plus de 100 000 élèves suivent maintenant ce programme dans 300 écoles partout au pays.

La musique adoucit les mœurs, c’est bien connu. On sait maintenant que, même si elle ne rend pas plus intelligent, elle permet d’acquérir ou de développer certaines habiletés qui sont utiles dans plusieurs sphères de la vie. Alors, à vos gammes!


Isabelle Pauzé
Collaboration spéciale