Les concerts d’oiseaux nous ravissent les sens
avec leurs airs délicieux et leurs jolies ritournelles. Est-ce
que leurs chants auraient une parenté avec notre propre musique?
À la fois musicien et biologiste, Antoine Ouellette a consacré
sa thèse de doctorat aux mélodies des oiseaux. Dans
un essai intitulé Le chant des oyseaulx, publié
aux Éditions Triptyque, il nous explique comment la musique
des oiseaux devient musique humaine.
Coup de cœur musical
Les mésanges, les grives, les merles, les
chardonnerets, les bruants, les pics bois, les geais bleus…
Chaque espèce d’oiseau possède ses propres chants
qui nous bercent de leur mélodie et créent un bonheur
tout simple. Antoine Ouellette a décidé de réunir
ses intérêts scientifiques et musicaux pour étudier
la rencontre artistique entre les oiseaux et les humains. « Quand
j’étais étudiant en biologie, je me rendais
à la station biologique de l’Université de Montréal,
à Saint-Hippolyte », raconte-t-il. « J’ai
eu le bonheur d’y entendre le chant mélodieux du tangara
écarlate, cet oiseau rouge aux ailes noires et d’assister
au concert des plongeons huards dont les répons se répercutaient
de lac en lac. J’étais ébloui. J’ai eu
un véritable coup de cœur pour les oiseaux »,
concède-t-il.
Le tangara écarlate
(Source : Wikipédia).
Ci-dessous, son chant.
Chansons légères
Devenu musicien, Antoine Ouellette cherche les points
communs entre la musique des oiseaux et celle des hommes, depuis
l’époque médiévale jusqu’à
l’arrivée de l’électroacoustique.
« Les oiseaux chantent pour les mêmes
raisons que les humains, explique-t-il. Ils ont des chants
pour délimiter leur territoire, nous avons nos hymnes nationaux.
Ils chantent pour séduire leur partenaire et calmer leur
progéniture, nous avons un large répertoire de berceuses
et de chansons d’amour. »
Étonnamment, les oiseaux, tout comme les humains,
adoptent différents dialectes selon l’endroit où
ils vivent. Ils ont leurs accents de la campagne et ceux de la ville.
Et comme nous, les oiseaux apprennent à chanter en écoutant
leurs parents. Les scientifiques sont d’ailleurs de plus en
plus convaincus que les comportements des oiseaux ne sont pas tous
innés. « Bien sûr, les oiseaux peuvent
émettre des sons et des cris à leur naissance mais
les chants plus musicaux de chacune des espèces se transmettent
de génération en génération, indique
M. Ouellette. Certaines formules sont apprises par les jeunes
qui les modulent ensuite à leur guise. »
De nombreux scientifiques sont maintenant persuadés qu’il
existerait une véritable culture animale. De là, à
reconnaître que l’art n’est pas que le propre
de l’Homme, il n’y a plus qu’un pas à faire…
Le Merle noir, pour flûte
et piano, d’Olivier Messiaen
Olivier Messiaen
parle des chants d’oiseaux qui ont inspiré sa musique.
Extrait du film La Liturgie de Cristal, d’Olivier
Mille.
Les oiseaux en musique
Plusieurs compositeurs classiques se sont inspirés
des chants d’oiseaux pour leurs œuvres. La 5e symphonie
de Beethoven s’ouvrirait avec quatre notes tirées du
répertoire du bruant jaune; l’Allemand les aurait entendues
dans un parc. Clément Janequin, maître de la chanson
polyphonique est l’auteur du Chant des oiseaux et
Olivier Messiaen, compositeur français et organiste de l’époque
contemporaine, enregistrait des chants d’oiseaux, les transcrivait
et en faisait des recueils complets.
« Je croyais qu’Olivier Messiaen
avait été le premier à transcrire fidèlement
en musique les chants d’oiseaux », reconnaît
M. Ouellette. « Ma plus grande surprise en rédigeant
ce livre a été de découvrir que de nombreux
naturalistes en France, en Angleterre, aux États-Unis et
au Canada avaient déjà transcrit de nombreux chants
d’oiseaux avant lui. » En 1870, le britannique
Simeon Pease Cheney et son fils auraient notamment mis en notes
les chants de 42 espèces d’oiseaux. « Leur
tour de force est d’autant plus remarquable qu’à
l’époque, les chants étaient notés directement
en nature, sans le moindre appareil », note M. Ouellette.
Le Chant des oiseaux,
de Clément Janequin, en version synthétique japonaise
La « Joie
des Grives »
Antoine Ouellette n’a pas seulement étudié
les œuvres musicales des compositeurs qui se sont passionnés
pour les oiseaux. Il a lui-même ajouté des mélodies
d’oiseaux à ses propres compositions. Il a écrit,
en 2003, la pièce Joie des Grives inspirée
des chants de 11 oiseaux du Québec et composée
pour un orchestre symphonique de 80 musiciens. « C’est
une idée que je voulais réaliser depuis longtemps :
faire un paysage en musique avec des chants d’oiseaux,
explique M. Ouellette. Je n’ai pas eu besoin d’aller
à la campagne pour composer cette oeuvre. Je me suis simplement
inspiré des oiseaux que j’entendais autour de moi à
Montréal. »
Sa composition sera jouée pour la première
fois le samedi 12 juillet 2008, au Festival de Lanaudière,
dans un amphithéâtre extérieur. Parions que
les oiseaux y viendront en grand nombre!