L’Etna en éruption, vu de la Station spatiale internationale. Photo : NASA. Piste audio : la sonification de l’Etna transposée au piano.

Mots-clés : volcans, musique, Semaine du Son

À Cambridge, en Angleterre, un chercheur s’adonne depuis quelques années à une passion insolite : faire « chanter » les volcans. À 33 ans, Domenico Vicinanza est ingénieur réseau dans le domaine de la recherche et docteur en physique. Il travaille au sein de l’organisation à but non lucratif DANTE (Delivery of Advanced Network Technology to Europe) qui planifie, construit et gère les infrastructures d’échanges de données aux fins de la recherche et de l’éducation en Europe (GÉANT). Parallèlement à sa profession, Domenico Vicinanza collabore à un projet d’une ampleur colossale : regrouper dans une seule base de données les sons des volcans à travers le monde. L’objectif? Comparer les sons des volcans entre eux pour détecter des bruits annonciateurs d’un évènement sismique majeur, comme une éruption. Pour ce faire, au sein de l’Institut national italien de physique nucléaire, Domenico a développé un système de « sonification » de l’Etna, le plus grand volcan européen.

Taille de bandes : XXL!

« La sonification d’un volcan consiste à développer un algorithme qui transforme les informations sismiques en données sonores audibles. C’est une lecture sonore du volcan au même titre que le sismographe en est une lecture graphique, explique-t-il. En collaboration avec des collègues en Équateur, en Italie et aux Philippines, on a ajouté de nouvelles données à celles de l’Etna, ce qui nous permet d’avoir une meilleure représentation des schémas sismiques des volcans. Et c’est grâce à l’accès aux réseaux d’échange à large bande de DANTE que nous avons réussi à faire aboutir ce projet de recherche. »

D’après les prévisions, le système de données sera terminé en 2011. D’ici là, le chercheur travaille avec une équipe de collègues équatoriennes sur le volcan Tungurahua, qui connaît une activité intense. Le défi technologique est de taille, car il s’agit de transférer des millions de données du réseau européen au réseau sud-américain grâce à une connexion transatlantique de 622 mégabits par seconde. « Nous travaillons tous sur ce projet d’échanges de données sonores à titre bénévole, parallèlement à nos activités professionnelles. C’est une manière de nous rendre utiles à la collectivité. En effet, en identifiant chaque volcan et en pouvant comparer leurs comportements sonores, on peut espérer pouvoir sauver des populations vivant à proximité. Car, même si chaque volcan a sa signature sonore, il existe des similitudes dans leur rythme, et l’intérêt est de pouvoir reconnaître des sons dangereux. »

 

Le volcan Tungurahua, près de Baños, en Équateur. Photo : Martin Zeise, Wikimédia.
Piste audio : la sonification du volcan transposée au piano.

Danser sur la musique des volcans

Première mondiale en mars 2009, à Washington, la compagnie de danse américaine CityDance Ensemble a créé un spectacle intitulé La Montagne sur une musique composée de sons de volcans. Non content d’avoir transformé les mouvements sismiques en sons, Domenico a lui-même créé la musique de ce spectacle. En effet, l’ingénieur réseau est également compositeur et musicien. Après avoir étudié le piano et les percussions au cours de son enfance et de son adolescence, Domenico s’est lancé dans la composition, qu’il a ensuite enseignée au Conservatoire de musique à Salerno, en Italie. « J’ai été contacté au milieu de l’année 2008 par Paul Emerson, le directeur artistique et fondateur de la compagnie de danse. J’ai composé la musique à partir des sons de quatre volcans répartis sur trois continents, le mont Etna en Italie, le mont Tugurahua en Équateur et les volcans Pinatubo et Mayon dans les Philippines; c’était d’autant plus intéressant et émouvant que le chorégraphe et danseur Jason Garcia Ignacio est né et a grandi aux Philippines. »

 

Le chorégraphe et danseur Jason Garcia Ignacio. Photo : Paul Gordon Emerson, CityDance Ensemble.
Piste audio : un extrait musical du spectacle La Montagne.

Les sciences et techniques au service de l’art

Créé dans le but de sensibiliser le public aux changements climatiques, le spectacle a procuré à Domenico l’occasion de témoigner que la science et l’art peuvent poursuivre des objectifs communs, en exprimant chacun à leur façon un message ou une émotion. « En tant que chercheur, l’idée de développer des outils qui aident à prédire des éruptions volcaniques et réduire des pertes humaines m’a beaucoup motivé. Utiliser ce même procédé scientifique pour participer à une création artistique dans l’objectif de sensibiliser le public sur les enjeux du réchauffement climatique, ajoute-t-il, cela a été extraordinaire. »

Aussi artistique soit-il, le projet a été mené à distance, de bout en bout, grâce aux moyens technologiques de DANTE. « Tout le montage de la pièce s’est fait de manière virtuelle. J’ai envoyé la musique par voie électronique et j’ai participé aux répétitions chaque semaine, comme si nous étions ensemble aux États-Unis », précise l’ingénieur. À la croisée de la recherche scientifique, des moyens de communication les plus performants et de la création artistique, Domenico rêve déjà au prochain spectacle composé des sons de volcans, mais aussi des bruits de la terre…

Odile Clerc, collaboration spéciale

 

Pour en savoir plus :

DANTE : www.dante.net

GEANT (un réseau opérationnel depuis 2001, issu de la collaboration entre les réseaux de la recherche européens et la Commission européenne, dans le cadre du développement de la société de l’information et sous la coordination de DANTE) :
www.geant.net

Reprise du spectacle La Montagne donné à Washington en septembre 2009 : www.citydance.net/aboutco.cfm

Pour écouter la musique de l’Etna : http://grid.ct.infn.it/etnasound/page4/page8/etna.aif

Pour écouter la musique de La Montagne (dernier mouvement) : www.astraproject.org/files/04.mp3