Un orchestre composé de musiciens jouant exclusivement
avec des légumes, il fallait y penser et oser le faire! C’est
ce défi artistique qu’a relevé, en 1998, un
collectif d’artistes à Vienne, en Autriche. Dix ans
plus tard, son succès dépasse toutes les espérances.
L’orchestre produit aujourd’hui une trentaine de concerts
par an à travers le monde et prépare son troisième
album. Récit d’une aventure musicale extraordinaire.
Un concept artistique
vivant
« Tout
a commencé en 1998, lorsqu’un ami et moi cherchions
une idée de performance pour participer à un festival
artistique à Vienne. L’idée de faire un concert
en n’utilisant que des légumes nous est venue. Sauf
que nous n’avions aucune idée de la manière
dont nous pouvions réaliser ce projet! Nous avons passé
une petite annonce pour rencontrer d’autres artistes et c’est
ainsi que nous avons constitué l’orchestre »,
raconte Nikolaus Gansterer, un des artistes fondateurs de l’Orchestre
de légumes de Vienne. Et d’ajouter dans la foulée
que si l’idée première est de lui, l’Orchestre
est l’œuvre collective d’un ensemble de douze artistes,
tous impliqués pour la plupart depuis l’origine. « Une
idée en soi ne vaut rien, c’est la manière dont
elle prend forme qui compte », ajoute Nikolaus.
Formation musicale totalement autogérée,
l’absence de chef d’orchestre, de directeur et de salariés
à temps plein fait partie du concept artistique. On l’aura
compris, l’Orchestre de légumes de Vienne ressemble
à tout sauf à un orchestre traditionnel!
Poussant le concept de la musique végétale,
éphémère et vivante jusqu’au bout, l’Orchestre
réinvente ses instruments à chaque performance. Tous
les instruments de musique sont en effet confectionnés à
partir de légumes achetés au marché public
quelques heures avant le concert, puis cuisinés en une grande
soupe distribuée au public après chaque spectacle.
Une manière pour les artistes de clore leur performance en
permettant au public de savourer la musique autrement.
Si l’idée de jouer de la musique avec
des légumes est ludique, la démarche artistique n’a
rien de simple ni de facile. « Ce n’est pas
si évident de faire de la musique avec des légumes;
cela demande beaucoup de recherches, d’expérimentations
et de répétitions. C’est un vrai travail »,
précise Nikolaus Gansterer. « Par exemple,
choisir une carotte pour faire une bonne flûte requiert de
l’expérience. Si elle est trop grosse et qu’elle
contient trop d’eau, le son ne sera pas beau; il faut choisir
des carottes d’une longueur de 15 à 20 cm et pas trop
épaisses. »
Pour Nikolaus, sélectionner les légumes
avec attention, soin et exigence en vue d’en extraire des
sons nobles et subtils, fait partie intégrante de la performance.
« Le concert commence en réalité au
marché; en extrapolant, il commence même à la
ferme, en pleine terre. La manière dont sont cultivés
les légumes est en effet très importante pour nous,
car le son en dépend. »
Carottes, concombres,
potirons, poireaux, oignons et poivrons, toutes sortes de légumes
conviennent aux musiciens de l’Orchestre qui en achètent
au total entre 15 et 20 kg par spectacle afin que chaque musicien
dispose d’une quinzaine d’instruments sur scène.
Une fois taillés, creusés et découpés,
les instruments sont prêts pour le spectacle. Fidèle
au concept d’autogestion, chaque musicien est libre de jouer
des instruments de son choix : flûte-carotte, poireau-violon,
maracas-aubergines, pelures d’oignons, trompette-paprika,
etc.
Si l’Orchestre a été tenté
dans les premiers temps d’imiter des sons d’instruments
traditionnels, comme la trompette, il est aujourd’hui en recherche
permanente de sons nouveaux. Il explore ainsi des univers sonores
originaux et éloignés des codes musicaux de la musique
classique ou électronique. Des micros, des caméras
et même un microscope, placés à l’intérieur
de certains instruments-légumes, permettent d’amplifier
les sons et de projeter sur grand écran l’image de
la chair du légume vibrant au rythme de la musique. Le concert
dépasse ainsi la frontière de la scène musicale
traditionnelle.
De la musique organique
et cellulaire
Comme la musique classique, la musique organique
de l’Orchestre de légumes de Vienne s’écrit,
même si l’improvisation tient une place importante lors
des concerts. Rythmes, sons et hauteurs de sons sont ainsi consignés
sur des partitions servant de lignes musicales ou de cadres à
des improvisations libres. Selon les légumes disponibles
sur le marché, l’Orchestre jouera des valses de Vienne,
le Sacre du printemps de Stravinsky, des pièces
de Krafwerk ou ses propres compositions.
L’Orchestre produit également ses albums.
Après s’être inspiré de musiques traditionnelles
et électroniques dans ses deux premiers disques, l’Orchestre
de légumes de Vienne part à la conquête de sons
plus organiques pour son troisième album qu’il enregistrera
à l’automne 2009, en pleine saison des récoltes!
Musiques et soupes n’en seront que meilleures!