L’amas stellaire G104.7+2.8 attise la curiosité de Gilles Joncas depuis vingt ans. En effet, selon les premières indications du chercheur il s’agirait d’un rémanent de supernova (étroite bande rouge) qui aurait traversé un nuage moléculaire (masse rouge). Chose assez rare. Photo : Observatoire du Mont-Mégantic
Étoile es-tu là?

Pour « voir » l’Univers, les scientifiques doivent ruser car l’œil humain même muni d’un télescope est souvent insuffisant. C’est tout un ensemble d’instruments de mesure et d’observation qu’ils doivent alors déployer pour scruter le ciel à la recherche d’étoiles.

Pour obtenir l’image de la nébuleuse G104.7+2.8, l’équipe de recherche de Gilles Joncas a du utiliser une caméra infrarouge et coloriser les photographies réalisées. Cette dernière étape permet aux chercheurs de faire ressortir les astres les plus brillants et de caractériser plus facilement les objets observés.

G104.7+2.8 : Une nébuleuse prometteuse

Depuis les années 1990, le chercheur s’intéresse plus particulièrement à une région de notre galaxie, situé à environ 24 000 années lumière de la Terre (2,27x1017 km) et mesurant 7 minutes d’arc (soit 0,116 degrés). Les premières observations, réalisées par son équipe de recherche du Département de physique, de génie physique et d'optique de l’Université Laval, ont indiqué qu’une étoile y aurait explosée. L’onde de choc, résultant de l’explosion de la supernova, a engendré l’étroite bande rouge figurant sur l’image et déclenché la formation d’étoiles en traversant le nuage moléculaire (masse rouge) situé au centre de l’image. Gilles Joncas a d’ores et déjà confié à l’un de ses étudiants de maitrise, Nicolas Roger, la responsabilité de valider ces hypothèses.

La  masse rouge « titille » plus particulièrement la curiosité du chercheur depuis maintenant vingt ans. En effet, il est rare que l’on puisse observer un rémanent de supernova entrant en contact avec un nuage moléculaire (nébuleuse). L’un des plus célèbres demeure la nébuleuse de la Méduse IC443 dans la constellation des Gémeaux.

Une étoile née

Également surnommé « pouponnière d’étoiles », les nuages moléculaires sont des structures de gaz et de particules où naissent les étoiles. En effet, enrichis des éléments synthétisés par les supernovae antérieures, ces briques de matière vont se contracter sous la force de gravitation et de la pression interne au nuage pour former des proto-étoiles. De température peu élevée, la lumière qu’elles émettent se situe dans l’infrarouge. L’étoile se mettra progressivement à briller avec l’augmentation de la température (jusqu’à atteindre plusieurs dizaines de millier de degrés). Ainsi, plus une étoile vieillie plus elle sera visible. Par la suite, dépendamment de sa masse, elle deviendra soit une géante rouge (18 fois la masse du Soleil) soit une géante bleue (100 fois la masse du Soleil). Ce caractère quantitatif en déterminera la durée de vie, l’intensité et le type de mort. Dans le cas de G104.7+2.8, l’étoile s’est transformée, à la fin de sa vie, en supernova relâchant ainsi dans l’Univers des quantités énormes de matières venant réalimenter les nébuleuses des alentours. L’équipe de Gilles Joncas braquent donc en permanence leurs caméras sur cette région dans l’espoir de voir poindre de cette couveuse, un jour, une nouvelle étoile.

La caméra infrarouge CPAPIR permet aux chercheurs d’observer et de photographier des étoiles invisibles à l’œil nu. Photo : Observatoire du Mont-Mégantic

Que la couleur soit

Cependant, avant de pouvoir étudier cet amas stellaire, Gilles Joncas s’est munis d’instruments adéquats. En effet, l’Univers est parcouru par des ondes invisibles (ultra violet, infrarouges, rayons X). Or notre œil ne voit que celles comprises dans les couleurs de l’arc-en-ciel. Pour rendre visible l’invisible, le chercheur a utilisé la Caméra PAnoramique Proche InfraRouge (CPAPIR) de l’observatoire du Mont-Mégantic en collaboration avec l’équipe du projet OPIOMM (Obscur Projet d'Imagerie à l'Observatoire du Mont-Mégantic). Cette dernière réalise et met à disposition du public l’ensemble des images haute définition de l’Observatoire. Pour réaliser la présente image, 4 clichés ont été pris à différentes longueurs d’ondes car suivant les fréquences choisies les étoiles seront plus ou moins brillantes. Cependant les prises de vues réalisées dans le domaine de l’infrarouge donnent uniquement des images en noir et blanc. Comment expliquer alors que l’image ci-dessus soit en couleur? Les chercheurs associent, tout simplement une couleur visible (bleu, rouge, vert et magenta) à chacune des bandes de l’infrarouge utilisées. Il ne reste plus qu’à superposer les images. Cette colorisation permet de distinguer plus aisément les étoiles entre elles. Dans le cas de G104.7+2.8 les chercheurs souhaitait mettre en lumière plus précisément les étoiles en formation au sein du nuage moléculaire.

Gilles Joncas continue d’étudier cette région de l’Univers à ses heures perdues, en espérant trouver les réponses à toutes ses questions. De récents résultats sont venus le relancer dans sa quête. En effet, le chercheur vient de terminer la cartographie du rémanent de la supernova et l’analyse des différents gaz. Grâce à ses données, il pourra savoir si oui ou non l’onde de choc dû à l’explosion de la supernova a bien traversé le nuage moléculaire et déclenché la formation d’étoiles.

Alexandre Jay | 15 décembre 2010