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Rosalind Franklin au microscope,
en 1955 |
L’histoire de l’ADN passée
aux rayons X |
Mots-clés : Rosalind Franklin,
ADN, Photo 51
La découverte de l’architecture
de l’ADN est une des percées scientifiques les
plus importantes du XXe siècle. Ses auteurs, les nobélisés
James Watson et Francis Crick, font désormais partie
des manuels de biologie. Pourtant, peu de gens savent que
l’histoire derrière cette avancée majeure
comporte une héroïne oubliée et regardée
de haut parce qu’elle était une femme. Malgré
leur génie, Watson et Crick n’auraient en effet
pas pu découvrir la structure de l’ADN sans une
photo bien spéciale, prise aux rayons X par Rosalind
Franklin. Brillante chimiste dans un univers d’hommes,
elle décédera cependant quatre ans avant la
remise du prix Nobel pour la découverte de la structure
de l’ADN.
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Née
en 1920 en Angleterre, Rosalind Franklin devient, contre l’avis
de son père, docteure en chimie physique à l’âge
de 25 ans. Après trois ans à travailler et à
se perfectionner à l’École nationale supérieure
de chimie à Paris, elle retourne dans son pays natal
et rejoint l’équipe du laboratoire de biologie
moléculaire de King’s College. Là, on lui
confie un projet de recherche sur l’ADN. Toutefois, son
collègue, Maurice Wilkins, biophysicien travaillant sur
un sujet connexe, voit son arrivée d’un mauvais
œil. L’ambiance de travail est très difficile.
La jeune chercheuse est traitée en laborantine. Et elle
ne peut pas dîner dans les mêmes locaux que ses
collègues masculins. Malgré tout, elle mène
ses travaux tambour battant. |
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Une
experte des rayons X
Rosalind Franklin est une spécialiste
de la technique de diffraction des rayons X. Elle s’en
sert pour déterminer la forme de l’ADN. Le principe
est simple : c’est celui d’une boule disco.
Quand on envoie de la lumière sur une boule disco,
les petits miroirs qui la recouvrent renvoient cette lumière
dans toutes les directions et font apparaître des points
lumineux sur les murs et le plancher de danse. Quand la chimiste
envoie des rayons X sur de l’ADN, cet ADN renvoie des
rayons X dans plusieurs directions à cause de sa forme
tridimensionnelle. Au lieu de former des points lumineux sur
un plancher de danse, ces rayons en forment sur un film photographique.
Et en les analysant, la chercheuse tente de déterminer
la forme de l’ADN comme si on voulait connaître
le nombre de miroirs sur une boule disco, ainsi que le diamètre
de cette dernière à partir des points lumineux
sur les murs. Rosalind Franklin en déduit que l’ADN
a la forme de deux filaments enroulés l’un autour
de l’autre comme deux serpents enlacés. |
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La célèbre
photo 51 : l’ADN analysé par diffraction des
rayons X. Les points visibles résultent de la diffraction
des rayons X sur l’ADN, à la manière de
points de lumière réfléchis par une boule
disco. Leur alignement en forme de X témoigne de la structure
torsadée de l’ADN. Photo : Rosalind Franklin
(James D. Watson Collection, CSHL Library and Archives) |
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L’arme
du crime... la photo 51
Dans un laboratoire voisin, un américain,
James Watson, et un anglais, Francis Crick travaillent de
leur côté sur la structure de l’ADN. Leurs
travaux sont avancés, mais les deux chercheurs sont
alors bloqués. À la suite d’un colloque
scientifique, Maurice Wilkins, flairant le bon coup, se rapproche
des deux chercheurs et décide de s’associer à
leurs recherches. Il leur confie alors certains clichés
d’ADN aux rayons X de la collection de Franklin, mais
sans même en avertir ni Rosalind Franklin, ni leur directeur
de recherche. Parmi ces clichés, la désormais
célèbre photo 51 aura sur Watson l’effet
d’un électrochoc! Il écrira plus tard :
« À l’instant où j’ai
vu cette image, ma bouche s’est entrouverte et mon pouls
s’est emballé… »
Pourtant, à regarder cette photo de
près, rien ne semble si extraordinaire, on y voit juste
quelques points alignés en forme de croix. Pourtant,
ils révèlent la forme de l’ADN. Et c’est
bel et bien cette information qui aura permis à Watson
et Crick de déterminer la structure dite de double
hélice aujourd’hui bien connue de l’ADN :
une sorte d’échelle torsadée dont les
deux montants s’enroulent l’un autour de l’autre
tandis que l’information génétique est
encodée dans les « marches ».
Il existe quatre types de « marche »
différents dans cette drôle d’échelle
et chacun correspond à l’une des quatre lettres
de l’alphabet génétique. |
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James Watson et Francis
Crick devant leur maquette de l’ADN, en 1953 |
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Une
contribution essentielle, mais ignorée
Grâce à la photo 51, obtenue par
Rosalind Franklin et dévoilée à son insu
par Wilkins, James Watson et Francis Crick élucident
le mystère de la structure de l’ADN. Ils publient
leurs résultats dans la prestigieuse revue scientifique
Nature en avril 1953. Et l’article contient
une maquette d’ADN en trois dimensions construite dans
leur laboratoire. Ainsi s’ouvre la voie à l’étude
des gènes et du génome humain.
De son côté, Rosalind Franklin
quitte le laboratoire du King’s College pour un laboratoire
de l’Université de Londres où elle travaille
sur la structure des virus. Elle se distingue une fois de
plus par l’excellence de ses travaux. Mais en 1956 elle
est atteinte d’un cancer, probablement à cause
de sa forte exposition aux rayons X. Elle doit interrompre
ses recherches et s’éteint deux ans plus tard,
en 1958.
En 1962, James Watson, Francis Crick et Maurice
Wilkins reçoivent le prix Nobel de médecine
pour leur découverte majeure. Ce prix ne pouvant être
décerné à titre posthume, Rosalind Franklin
n’aura donc pas reçu de son vivant la reconnaissance
publique qu’elle méritait. Par contre, Watson
et Crick n’ont jamais nié l’importance
de sa contribution. Mince prix de consolation pour une photo
si importante de l’histoire des sciences.
• Odile
Clerc | 12 mai 2009 |
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